Il suffiroit de s’appercevoir que M. Rousseau est réduit, dans sa justification, à soutenir que les Sciences sont toujours du mal, qu’on en abuse toujours, pour sentir combien sa cause est désespérée. Vis-à-vis de tout autre, la seule citation de cette proposition en feroit la réfutation ; mais les talens de M. Rousseau donnent de la vraisemblance & du crédit à ce qui en est le moins susceptible, & il mérite qu’on lui marque ses égards, en étayant de preuves les vérités mêmes qui n’en ont pas besoin.
Un abus constant & général des Sciences doit se démontrer ; 1º. par le fait ; 2º. par la nature même des Sciences considérées en elles-mêmes, ou prises relativement à notre génie, à nos talens, à nos mœurs. Or, l’Auteur convient que les Sciences sont excellentes en elles-mêmes, & nous avons prouvé, art. II, que relativement à nous-mêmes, elles n’ont rien d’incompatible avec les bonnes mœurs, qu’elles tendent au contraire à nous rendre meilleurs : il ne nous reste donc qu’à examiner la question de fait.
Pour démontrer que les Sciences & les Arts dépravent les mœurs, ce n’est pas assez que de nous citer des mœurs dépravées dans un siecle savant ; ce ne seroit même pas assez que de nous citer des savans sans probité ; il faut prouver que c’est de la Science même que vient la dépravation, & j’ose avancer qu’on ne le sera jamais.
1º. Parce que la plupart des exemples de dissolution des mœurs qu’on peut citer, n’ont aucune liaison avec les Sciences & les Arts, quelque familiers qu’ils aient été dans les siecles, ou aux personnes, objets de ces citations.
2 º. Parce que ceux