Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/32

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& des égaremens de l’homme que l’on exagere avec tant d’emphase. Qu’est-ce que les Lettres ? Sont-elles autre chose, qu’un précieux dépôt conservé dans les Livres, un recueil des préceptes des Sages, qui s’est formé peu-à-peu, & qui répandu dans tout l’Univers sert à éclairer l’esprit, à réformer le cœur, en un mot à perfectionner tout l’homme ? Quelle est leur origine ? Ne sont-elles pas le fruit de la vertu, qui inspiroit à ces Sages autant de tendresse pour le genre-humain que de zele & d’intelligence ?

Mais cette excellence propre aux Lettres, cette origine divine, est précisément ce qu’il s’agit de prouver. Toutes les Sciences, dit-on, sont vaines ou pernicieuses : elles naissent de la superfluité ou de l’amour du plaisir... Ce n’est pas ainsi qu’on pensé tant d’illustres Auteurs chez les profanes ; les Platons, les Xénophons, les Cicérons ; & parmi les Ecrivains sacrés, les Lactances, les Clémens d’Alexandrie, les Basiles. Ne perdons pas cependant un tems précieux : laissons les autorités pour nous appliquer à connoître ce que les Lettres sont en elles-mêmes ; & décidons la question par ce que les Législateurs ont ordonné, plutôt que par ce que les Philosophes ont écrit.

On voudroit que l’homme n’agit jamais que par l’inspiration de la vertu ; & que tous les habitans de la terre ne formassent qu’une Cité toute composée d’honnêtes gens. Le plan est magnifique ; mais comment l’exécuter sans le secours des Lettres. On répond que l’exemple suit, que l’ignorance supplée aux préceptes. Fort bien : mais quels exemples doit-on attendre d’une multitude grossiere & sauvage ! Tels étoient