Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/335

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nous intéresser à des héros moins connus, &de l’autre plus de recherche & plus de nuance pour faire sentir des ridicules moins apparens.

Le zele dont vous êtes animé contre le comédie, ne vous permet pas de faire grace à aucun genre, même à celui où l’on se propose de faire couler nos larmes par des situations intéressantes, & de nous offrir dans la vie commune des modeles de courage & de vertu ; autant vaudroit, dites-vous, aller au sermon. Ce discours me surprend dans votre bouche. Vous prétendiez un moment auparavant, que les leçons de la tragédie nous sont inutiles, parce qu’on n’y met sur le théâtre que des héros, auxquels nous ne pouvons nous flatter de ressembler ; & vous blâmez à présent les pieces où l’on n’exposé à nos yeux que nos citoyens & nos semblables ; ce n’est plus comme pernicieux aux bonnes mœurs, mais comme insipide & ennuyeux que vous attaquez ce genre. Dites, Monsieur, si vous le voulez, qu’il est le plus facile de tous ; mais ne cherchez pas à lui enlever le droit de nous attendrir ; il me semble au contraire qu’aucun genre de pieces n’y est plus propre ; &, s’il m’est permis de juger de l’impression des autres par la mienne, j’avoue que je suis encore plus touché des scenes pathétiques de l’Enfant prodigue, que des pleurs d’Andromaque & d’Iphigénie. Les Princes & les Grands sont trop loin de nous, pour que nous prenions à leurs revers le même intérêt qu’aux nôtres. Nous ne voyons, pour ainsi dire, les infortunes des Rois qu’en perspective ; & dans le tems même où nous les plaignons, un sentiment confus semble nous dire pour nous consoler, que ces infortunes sont le prix de la