Connoître mes travers est mon premier souhait,
Et je fais peu de cas de tout homme parfait.
La haine quelquefois donne un avis utile :
Blâmez cette bonté trop douce & trop facile,
Qui souvent à leurs yeux a causé vos malheurs.
Reconnoissez en vous les foibles des bons cœurs :
Mais sachez qu’en secret l’éternelle sagesse
Hait leurs fausses vertus plus que votre foiblesse ;
Et qu’il vaut mieux cent fois se montrer à ses yeux
Imparfait comme vous, que vertueux comme eux.
Vous donc, dès mon enfance attachée à m’instruire,
A travers ma misere, hélas ! qui crûtes lire
Que de quelques talens le ciel m’avoit pourvu,
Qui daignâtes former mon cœur à la vertu,
Vous, que j’ose appeller du tendre nom de mere,
Acceptez aujourd’hui cet hommage sincere,
Le tribut légitime, & trop bien mérité,
Que ma reconnoissance offre à la vérité.
Oui, si quelques douceurs assaisonnent ma vie,
Si j’ai pu jusqu’ici me soustraire à l’envie,
Si le cœur plus sensible, & l’esprit moins grossier,
Au-dessus du vulgaire on m’a vu m’élever,
Enfin, si chaque jour je jouis de moi-même,
Tantôt en m’élançant jusqu’à l’Etre suprême,
Tantôt en méditant dans un profond repos
Les erreurs des humains, & leurs biens & leurs maux :
Tantôt, philosophant sur les loix naturelles,
J’entre dans le secret des causes éternelles,
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