Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/421

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Et vous, trop doux la Mothe, & toi, touchant Voltaire,
Ta lecture à mon cœur restera toujours chere,
Mais mon goût se refuse à tout frivole écrit,
Dont l’Auteur n’a pour but que d’amuser l’esprit.
Il a beau prodiguer la brillante antithese,
Semer par-tout des fleurs, chercher un tour qui plaise.
Le cœur, plus que l’esprit, a chez moi des besoins,
Et s’il n’est attendri, rebute tous ses soins.
    C’est ainsi que mes jours s’écoulent sans alarmes.
Mes yeux sur mes malheurs ne versent point de larmes.
Si des pleurs quelquefois alterent mon repos,
C’est pour d’autres sujets que pour mes propres maux.
Vainement la douleur, les craintes, les miseres,
Veulent décourager la fin de ma carriere ;
D’Épictete asservi la stoïque fierté
M’apprend à supporter les maux, la pauvreté ;
Je vois, sans m’affliger, la langueur qui m’accable :
L’approche du trépas ne m’est point effroyable ;
Et le mal dont mon corps se sent presque abattu
N’est pour moi qu’un sujet d’affermir ma vertu.