Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/446

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MÉMOIRE Remis le 19 Avril 1742, À M. Boudet Antonin, qui travaille à l’histoire de feu M. de Bernex, Evêque de Geneve.

Dans l’intention où l’on est, de n’omettre dans l’histoire de M. de Bernex, aucun des faits considérables qui peuvent servir à mettre ses vertus chrétiennes dans tout leur jour, on ne fauroit oublier la conversion de Madame la baronne de Warens de la Tour, qui fut l’ouvrage de ce prélat.

Au mois de juillet de l’année 1726, le roi de Sardaigne étant à Evian, plusieurs personnes de distinction du pays de Vaud s’y rendirent pour voir la cour. Madame de Warens fut du nombre ; & cette dame, qu’un pur motif de curiosité avoit amenée, fut retenue par des motifs d’un genre supérieur, & qui n’en furent pas moins efficaces, pour avoir été moins prévus. Ayant assisté par hasard à un des discours que ce prélat prononçoit, avec ce zele & cette onction qui portoient dans les cœurs le feu de sa charité, Madame de Warens en fut émue au point, qu’on peut regarder cet instant comme l’époque de sa conversion ; la chose cependant devoit paroitre d’autant plus difficile, que cette dame étant très-éclairée, se tenoit en garde contre les séductions de l’éloquence, & n’étoit pas disposée à céder, sans être pleinement convaincue : mais quand on a l’esprit juste & le cœur droit, que peut-il manquer pour goûter la vérité que le secours de la grace ? Et M. de Bernex n’étoit-il pas accoutumé à la porter dans les cœurs les plus