Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/50

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chefs-d’œuvre, quel est l’homme assez aveugle, assez stupide pour ne pas reconnoître le premier auteur de ces belles inventions, & pour lui refuser le tribut de louanges qui lui est dû ? Aux yeux de tout homme qui sait penser l’Europe est tout ensemble un jardin de délices, & l’objet d’une continuelle admiration ; car ce n’est point une nouveauté de la voir enfanter chaque jour de nouveaux miracles.

Au milieu de ce jardin, dira-t-on, comme dans l’ancien Paradis-terrestre est placé l’Arbre de vie, auquel il est défendu de toucher : c’est la Religion. Cependant combien d’animaux féroces s’efforcent de lui nuire ? Et d’où lui vient cette prodigieuse quantité d’adversaires, si ce n’est de la part des Lettres, que l’on regarde mal-à -propos comme le rempart de la foi ?

Il est aisé de prouver que les Lettres ont effectivement l’honneur de servir à étendre & à maintenir la Religion. Elle ne fut jamais en plus grand danger que lorsque les études furent languissantes. Au contraire elle n’eût point de jours plus beaux & ne remporta point de victoires plus signalées, que lorsque les Lettres renaissantes l’accompagnerent au combat. Faut-il cri donner des preuves ? La Chaire même où je suis m’en fourniroit en foule ; mais je n’en veux point d’autre que ce trait de l’Empereur Julien, le plus dangereux comme le plus politique d’entre les hérétiques & les apostats. Il comprit, que la Religion pareroit aisément tous les coups qu’il vouloit lui porter, tant que les Lettres veilleroient à sa défense. Inspiré par la malignité de son génie, il tenta d’abord de les anéantir. Mais Dieu fut les venger en les faisant servir à la vengeance