Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/507

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Quelque dure que soit ma situation actuelle, je la supporterois volontiers, si du moins on daignoit me donner la moindre marque de souvenir : mais rien ; je suis si oublié qu’à peine crois-je moi-même d’être encore en vie. Puisque les relations sont devenues impossibles depuis Chambéry & Lyon ici, je ne demande plus qu’on me tienne les promesses sur lesquelles je m’étois arrangé. Quelques mots de consolation me suffiront & serviront à répandre de la douceur sur un état qui a ses désagrémens.

J’ai eu le malheur dans ces circonstances gênantes de perdre mon hôtesse, Madame Mazet, de maniere qu’il a fallu solder mon compte avec ses héritiers. Un honnête homme Irlandois avec qui j’avois fait connoissance, a eu la générosité de me prêter soixante livres sur ma parole, qui ont servi à payer le mois passé & le courant de ma pension ; mais je me vois extrêmement reculé par plusieurs autres menues dettes ; & j’ai été contraint d’abandonner depuis quinze jours les remedes que j’avois commencés faute de moyens pour continuer. Voici maintenant quels sont mes projets. Si dans quinze jours qui sont le reste du second mois, je ne reçois aucune nouvelle, j’ai résolu de hasarder un coup ; je ferai quelque argent de mes petits meubles ; c’est-à-dire, de ceux qui me sont les moins chers ; car j’en ai dont je ne me déferai jamais. Et comme cet argent ne suffiroit point pour payer mes dettes & me tirer de Montpellier, j’oserai l’exposer au jeu non par goût, car j’ai mieux aimé me’condamner à la solitude que de m’introduire par cette voie, quoiqu’il n’y en ait point d’autre à Montpellier, & qu’il n’ait tenu qu’à