Aller au contenu

Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/508

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

moi de me faire des connoissances assez brillantes par ce moyen. Si je perds, ma situation ne sera presque pas pire qu’auparavant ; mais si je gagne je me tirerai du plus fâcheux de tous les pas. C’est un grand hasard à la vérité, mais j’ose croire qu’il est nécessaire de le tenter dans le cas où je me trouve. Je ne prendrai ce parti qu’à l’extrémité & quand je ne verrai plus de jour ailleurs. Si je reçois de bonnes nouvelles d’ici à ce tems-là, je n’aurai certainement pas l’imprudence de tenter la mer orageuse & de m’exposer à un naufrage. Je prendrai un autre parti. J’acquitterai mes dettes ici & je me rendrai en diligence à un petit endroit proche du Saint-Esprit ; où, à moindres frais & dans un meilleur air, je pourrai recommencer mes petits remedes avec plus de tranquillité, d’agrément & de succès, comme j’espere que je n’ai fait à Montpellier dont le séjour m’est d’une mortelle antipathie ; je trouverai là bonne compagnie d’honnêtes gens qui ne chercheront point à écorcher le pauvre étranger, & qui contribueront à lui procurer un peu de gaieté dont il a, je vous assure, très-grand besoin.

Je vous fais toutes ces confidences, mon cher Monsieur, comme à un bon ami qui veut bien s’intéresser à moi & prendre part à mes petits soucis. Je vous prierai aussi d’en vouloir bien faire part à qui de droit, afin que si mes lettres ont le malheur de se perdre de quelque côté, l’on puisse de l’autre en récapituler le contenu. J’écris aujourd’hui à Monsieur de Trianon, & comme la poste de Paris qui est la vôtre ne part : d’ici qu’une fois la semaine, à savoir le lundi, il se trouve que depuis mon arrivée à Montpellier, je n’ai pas manqué