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LETTRE II.

Monquin le 26 Janvier 1779.

Pauvres aveugles que vous sommes ! Ciel ! démasque les imposteurs,

Et force leurs barbares cœurs À s’ouvrir aux regards des hommes ! *

[*M. Rousseau accablé de ses malheurs, avoit pris dans ce tems-là l’habitude de commencer toutes ses lettres par ce quatrain dont il étoit l’auteur ; il la continua pendant long-tems, comme on le verra dans la suite de ce Recueil, où nous n’en citerons que le premier vers.]

C’en est fait, Monsieur, pour moi de la botanique ; il n’en est plus question quant à présent, & il y a peu d’apparence que je sois dans le cas d’y revenir. D’ailleurs, je vieillis, je ne suis plus ingambe pour herboriser, & des incommodités qui m’avoient laisse d’assez longs relâches menacent de me faire payer cette trève. C’est bien assez désormais pour mes forces des courses de nécessité ; je dois renoncer a celles d’agrément, ou les borner à des promenades qui ne satisfont pas l’avidité d’un botanophile. Mais en renonçant à une étude charmante qui, pour moi, s’étoit transformée en passion, je ne renonce pas aux avantages qu’elle m’a procurés, & sur-tout, Monsieur, à cultiver votre connoissance & vos bontés dont j’espere aller dans peu vous remercier en personne. C’est à vous qu’il faut renvoyer toutes les exhortations que vous me faites sur l’entreprise d’un Dictionnaire de Botanique, dont il est étonnant que ceux qui cultivent cette science, sentent si peu la nécessité. Votre âge, Monsieur, vos talens, vos connoissances