Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/582

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flatter d’en posséder quelques-unes ; je travaille chaque jour a l’acquisition des autres, & je n’épargnerai rien pour y réussir.

Enfin, quant au poste de gouverneur d’un jeune seigneur ; je vous avoue naturellement que c’est l’état pour lequel je me sens un peu de prédilection : vous allez d’abord être surpris ; différez s’il vous plaît un instant de décider.

Il ne faut pas que vous pensiez, mon cher pere, que je me sois donne si parfaitement à la musique, que j’aye négligé toute autre espece de travail ; la bonté qu’a eu Madame de Warens de m’accorder chez elle un asyle, m’a procuré l’avantage de pouvoir employer mon tems utilement, & c’est ce que j’ai fait avec assez de soin jusqu’ici.

D’abord, je me suis fait un systême d’étude que j’ai divisé en deux chefs principaux ; le premier comprend tout ce qui sert à éclairer l’esprit & l’orner de connoissances utiles & agréables ; l’autre renferme les moyens de former le cœur à la sagesse & a la vertu. Madame de Warens a la bonté de me fournir des livres, & j’ai tâché de faire le plus de progrès qu’il étoit possible & de diviser mon tems de maniere que rien n’en restât inutile.

De plus ; tout le monde peut me rendre justice sur ma conduite, je chéris les bonnes mœurs & je ne crois pas que personne ait rien à me reprocher de considérable contre leur pureté ; j’ai de la religion & je crains Dieu ; d’ailleurs sujet à d’extrêmes foiblesses, & rempli de défauts plus qu’aucun autre homme au monde, je sens combien il y a de vices à corriger chez moi. Mais enfin les jeunes gens seroient heureux s’ils tomboient toujours entre les mains de personnes qui eussent