Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/126

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que mon œil reçoit une moindre sensation, c’est-à-dire, qu’il est plus foncé : or, le jugement n’est que le prononcé de la sensation éprouvée.

À l’égard des mots de nos langues qui exposent des idées, si je l’ose dire, intellectuelles, tels sont les mots force, grandeur, &c. qui ne sont représentatifs d’aucune substance physique, je prouve que ces mots, & généralement tous ceux qui ne sont représentatifs d’aucun de ces objets, ne vous donnent aucune idée réelle, & que nous ne pouvons porter aucun jugement sur ces mots, si nous ne les avons rendus physiques par leur application à telle ou telle substance. Que ces mots, sont dans nos langues ce que sont a & b en algebre, auxquels il est impossible d’attacher aucune idée réelle s’ils ne sont mis en équations ; aussi avons-nous une idée différente du mot grandeur, selon que nous l’attachons à une mouche ou un éléphant. Quant à la faculté que nous avons de comparer les objets entr’eux, il est facile de prouver que cette faculté n’est autre chose que l’intérêt même que nous avons de les comparer, lequel intérêt mis en décomposition peut lui-même toujours se réduire à une sensation physique.

S’il étoit possible que nous fussions impassibles, nous ne comparerions pas faute d’intérêt pour comparer.

Si d’ailleurs toutes nos idées, comme le prouve Locke, nous viennent par les sens, c’est que nous n’avons que des sens ; aussi peut-on pareillement réduire toutes les idées abstraites & collectives à de pures sensation.

Si le décousu de toutes ces idées ne vous en fait naître aucune, il faudroit que le hasard vous amenât à Paris, pour