Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/85

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que je ne puisse me flatter d’obtenir du moins un délai de mon pere ; prolongez votre séjour ici jusqu’à ce que la paix, ou des circonstances plus favorables ayent dissipé les préjugés qui vous le rendent contraire.

Dorante.

Vous voyez l’empressement avec lequel on me rappelle : puis-je trop me hâter d’aller réparer l’oisiveté de mon esclavage ? Ah ! s’il faut que l’amour me fasse négliger le soin de ma réputation, doit-ce être sur des espérances aussi douteuses que celles dont vous me flattez ? Que la certitude de mon bonheur serve du moins à rendre ma faute excusable. Consentez que des nœuds secrets…..

Sophie.

Qu’osez-vous me proposer ? Un cour bien amoureux ménage-t-il si peu la gloire de ce qu’il aime ? vous m’offensez vivement.

Dorante.

J’ai prévu votre réponse, & vous avez dicté la mienne. Forcé d’être malheureux ou coupable, c’est l’excès de mon amour qui me fait sacrifier mon bonheur à mon devoir, puisque ce n’est qu’en vous perdant que je puis me rendre digne de vous posséder.

Sophie.

Ah ! qu’il est aisé d’étaler de belles maximes quand le cœur les combat foiblement ! Parmi tant de devoirs à remplir, ceux de l’amour sont-ils donc comptés pour rien, & n’est-ce que