Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/267

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& observateur par caractere, il avoit fait d’autre part dans le monde une étude réfléchie des usages, des loix diverses, & sur-tout du cœur humain où son propre cœur l’avoir si fort initié ; car l’un sans l’autre n’instruit pas, & il faut sentir vivement en soi la nature pour la connoître dans autrui.

Aussi peut-on dire que jamais homme ne prit la plume avec de si grandes avances & des matériaux si abondans. D’autres ont écrit par un vain desir d’écrire, trop souvent avec les mains & l’esprit vides. Dans Rousseau, ce fut un besoin qui le maîtrisa, dont il fut lui-même surpris, parce que la publicité étoit réellement contraire à une partie de son caractere & même à ses vues. Il ne put plus contenir tant de richesses, & il céda aux circonstances qui lui mirent la plume à la main comme malgré lui ; mais il la prit, dès le premier moment, en maître de sa destinée comme Auteur.

Voyez en effet la maniere dont il parle à ses lecteurs dès ses premiers écrits, & depuis dans tous ses ouvrages ! Comment il s’éleve au-dessus de la gloire que pourtant il idolâtroit ! Comment, en se présenta.... au public, il recherche son suffrage sans en dépendre ! Comment, en lui parlant il prend toujours sa propre opinion & sa seule conscience pour juges ! Quel ton ! Quelle hauteur de langage ! Si des principes si altiers peuvent choquer avant qu’on ait lu les ouvrages de Jean-Jaques ; dès qu’une fois ses beaux écrits ont passé sous les yeux, la véracité, la force de l’Auteur, rendent ce ton noble, naturellement grand ; elles sont plus, elles le rendent aimable, modeste même en un certain sens. Effectivement la vérité la plus haute, même pour soi, lorsqu’elle a évidemment