Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/426

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voulu acquérir à Mylord que la vénération des prétendus esprits-forts ? Et le vox populi, vox Dei, dont son héros fait une application si heureuse !...... Pour moi, Monsieur, je pense que cette circonstance étoit fort bonne à supprimer : je pense encore que si nos François (que M. d’Alembert a l’air de croire tous à Paris) trouvent de l’affectation dans un choix, c’est sur-tout dans celui des propos qu’il cite : je pense encore que cet Eloge est si gréle, si décharné, si vide de choses, qu’il n’est pas possible que l’auteur n’ait pas senti qu’il n’avoit pas été assez avant dans la confiance de Mylord, dont le véritable mérite étoit d’ailleurs de nature à lui échapper pour avoir autant de matériaux qu’en exige un Eloge public ; & cela me conduit à penser encore, qu’il n’a célébré George Keith, que pour avoir un prétexte d’insulter à la mémoire de J. J. Rousseau, qu’il n’eût osé attaquer en son propre nom : car il n’y a qu’un desir immodéré de nuire, qui ait pu l’emporter chez lui, sur la crainte de compromettre ses talens.

Si je médis un peu de M. d’Alembert, Monsieur, ce n’est pas sans un regret tout aussi sincere que celui qu’il éprouve en calomniant Jean-Jaques : & j’ai pour vaincre ce douloureux sentiment, des motifs bien plus pressans que le circonspect Machiaveliste. Je ne fais point l’Eloge de Jean-Jaques, (nous en avons vingt-deux volumes, & nous en attendons encore d’autres), c’est son apologie que j’entreprends : je ne puis donc le disculper, qu’en inculpant son accusateur. Mais la gloire de Mylord ne dépendant point de l’avilissemnet de son obligé, cet accusateur n’a pu se charger de ce rôle que pour le plaisir qu’il y prenoit. Aussi avec quel succès il le joue !