Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/82

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avec lequel il travailloit de toute sa force à la réfutation de Montesquieu.

Achevons, pour n’y plus revenir, ce qui me reste à dire de M. de M

[ontaigu] . Je lui avois dit dans nos démêlés qu’il ne lui falloit pas un secrétaire, mais un clerc de procureur. Il suivit cet avis & me donna réellement pour successeur un vrai procureur, qui dans moins d’un an lui vola vingt ou trente mille livres. Il le chassa, le fit mettre en prison ; chassa ses gentilshommes avec esclandre & scandale, se fit partout des querelles, reçut des affronts qu’un valet n’endureroit pas & finit, à force de folies, par se faire rappeler & renvoyer planter ses choux. Apparemment que, parmi les réprimandes qu’il reçut à la Cour, son affaire avec moi ne fut pas oubliée ; du moins, peu de tems après son retour, il m’envoya son maître-d’hôtel pour solder mon compte, & me donner de l’argent. J’en manquois dans ce moment-là ; mes dettes de Venise, dettes d’honneur si jamais il en fut, me pesoient sur le cœur. Je saisis le moyen qui se présentoit de les acquitter, de même que le billet de Z

[anett] o N

[an] i. Je reçus ce qu’on voulut me donner ; je payai toutes mes dettes & je restai sans un sou, comme auparavant, mais soulagé d’un poids qui m’étoit insupportable. Depuis lors, je n’ai plus entendu parler de M. de M

[ontaigu] qu’à sa mort, que j’appris par la voix publique. Que Dieu fasse paix à ce pauvre homme ! Il étoit aussi propre au métier d’Ambassadeur que je l’avois été dans mon enfance à celui de grapignan. Cependant il n’avoit tenu qu’à lui de se soutenir honorablement