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LETTRE À Mr. V....s.

À Paris le 23 Novembre 1755.

Que je suis touché de vos tendres inquiétudes ! Je ne vois rien de vous qui ne me prouve de plus en plus votre amitié pour moi, & qui ne vous rende de plus en plus digne de la mienne. Vous avez quelque raison de me croire mort en ne recevant de moi nul signe de vie, car je sens bien que ce ne sera qu’avec elle que je perdrai les sentimens que je vous dois. Mais toujours aussi négligeant que ci-devant je ne vaux pas mieux que je ne faisois, si ce n’est qu je vous aime encore davantage ; & si vous saviez combien il est difficile d’aimer les gens avec qui l’on a tort, vous sentiriez que mon attachement pour vous n’est pas tout à fait sans prix.

Vous avez été malade & je n’en ai rien su : mais savois que vous étiez surchargé de travail ; je crains que la fatigue n’ait épuisé votre santé,, & que vous ne soyez encore prêt à la reperdre de même ; ménagez-la, je vous prie, comme un bien qui n’est pas à vous seul & qui peut con tribuer à la consolation d’un ami qui a pour jamais perdu la sienne. J’ai eu, cet été, une rechûte assez vive, l’automne a été très-bien ; mais les approches de l’hiver me sont cruelles ; j’ignore ce que je pourrai vous dire de celle du printemps.