Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/212

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des vôtres ; mais à parler sincèrement je suis allé jusqu’à la persuasion, sans aller jusqu’à la conviction. Je crois, mais je ne sais pas ; je ne sais pas même si la science qui me manque me sera bonne quand je l’aurai, & si peut-être alors il ne faudra point que je dire : alto quaesivit coelo lucem ingemuitque repertâ.

Voilà, Monsieur, la solution, ou du moins l’éclaircissement des inconséquences que vous m’avez reprochées. Cependant il me paroît bizarre que pour vous avoir dit mon sentiment quand vous me l’avez demandé, je sois réduit à faire mon apologie. Je n’ai pris la liberté de vous juger que pour vous complaire ; je puis m’être trompé sans doute, mais se tromper n’est pas avoir tort.

Vous me demandez pourtant encore un conseil sur un sujet très-grave, & je vais peut-être vous répondre encore tout de travers. Mais heureusement ce conseil est de ceux que jamais auteur ne demande, que quand il a déjà pris son parti.

Je remarquerai d’abord que la supposition que votre ouvrage renferme la découverte de la vérité, ne vous est pas particulière ; & si cette raison vous engage à publier votre livre, elle doit de même engager tout philosophe à publier le sien. J’ajouterai qu’il ne suffit pas de considérer le bien qu’un livre contient en lui-même, mais le mal auquel il peut donner lieu ; il faut songer qu’il trouvera peu de lecteurs judicieux, bien disposés, & beaucoup de mauvais cœurs, encore plus de mauvaises têtes. Il faut, avant de le publier, comparer le bien & le mal qu’il peut faire, & les usages avec les abus. Pesez bien votre livre sur cette règle, & tenez-vous en garde