Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/218

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votre délicatesse me paroît offensée, est à mes yeux une preuve de la sienne, qui doit lui mériter toute votre estime, de quelque manière que vous envisagiez d’ailleurs son retour.

Ceci, Madame, ne diminue absolument rien de la solidité de vos raisons, quant à vos devoirs envers vos enfans. Le parti que vous prenez est, sans contredit, le seul dont ils n’aient pas à se plaindre, & le plus digne de vous ; mais ne gâtez pas un acte de vertu si grand & si pénible, par un dépit déguisé, & par un sentiment injuste envers un homme aussi digne de votre estime par sa conduite, que vous-même êtes par la vôtre digne de l’estime de tous les honnêtes gens. J’oserai dire plus ; votre motif fondé sur vos devoirs de mère est grand & pressant ; mais il peut n’être que secondaire. Vous êtes trop jeune encore, vous avez un cœur trop rendre, & plein d’une inclination trop ancienne, pour n’être pas obligée à compter avec vous-même dans ce que vous devez sur ce point à vos enfans. Pour bien remplir ses devoirs, il ne faut point s’en imposer d’insupportables : rien de ce qui est juste & honnête n’est illégitime ; quelque chers que vous soient vos enfans, ce que vous leur devez, sur cet article, n’est point ce que vous deviez à votre mari. Pesez donc les choses en bonne mère, mais en personne libre. Consultez si bien votre cœur que vous fassiez leur avantage, mais sans vous rendre malheureuse : car vous ne leur devez pas jusques-là. Après cela, si vous persistez dans vos refus, je vous en respecterai davantage ; mais si vous cédez, je ne vous en estimerai pas moins.

Je n’ai pu refuser à mon zèle de vous exposer mes sentimens