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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/235

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de Genève & de Berne qui ne me laisseront point en repose. Vous savez à quel usage ils jugent à propos d’employer la religion. Ils en sont un gros torchon de paille endroit de boue qu’ils me fourrent dans la bouche à toute force, pour me mettre en pièces tout à leur aise, sans, que je puisse crier. Il faut donc fuir malgré mes maux, malgré ma paresse ; il faut chercher quelqu’endroit paisible où je puisse respire. Mais où aller ? Voilà, Milord, sur quoi je vous consulte.

Je ne vois que deux pays à choisir : l’Angleterre ou l’Italie. L’Angleterre seroit bien plus selon mon humeur, mais elle est moins convenable à ma santé, & je ne sais pas la langue, grand inconvénient quand on s’y transplante seul. D’ailleurs il y fait si cher vivre qu’un homme qui manque de grandes ressources, n’y doit point aller, à moins qu’il ne veuille s’intriguer pour s’en procurer, chose que je ne ferai de ma vie ; cela est plus décidé que jamais.

Le climat de l’Italie me conviendroit fort, & mon état à tous égards, me le rend de beaucoup préférable ; mais j’ai besoin de protection pour qu’on m’y laisse tranquille. Il faudroit que quelqu’un des Princes de ce pays-là m’accordât un asile dans quelqu’une de ses maisons, afin que le Clergé ne pût me chercher querelle, si par hasard la fantaisie lui en prenoit : & cela ne me paroît ni bienséant à demander, ni facile à obtenir, quand on ne connoît personne. J’aimerois assez le séjour de Venise que je connois déjà. Mais quoique Jésus ait défendu la vengeance à ses Apôtres, Sr. Marc ne se pique pas d’obéir sur ce point. J’ai pensé que si le Roi ne dédaignoit pas de m’honorer de quelque apparente commission,