Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/309

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

M. Hume s’y est pris autrement, je l’avoue. Tandis qu’en réponse à cette même lettre, il m’écrivoit en termes décens & même honnêtes, il écrivoit à M. d’Holback & à tout le monde en termes un peu différens. Il a rempli Paris, la France, les gazettes, l’Europe entière de choses que ma plume ne sait pas écrire & qu’elle ne répétera jamais. Etoit-ce comme cela, Madame, que j’aurois dû faire.

Vous dites que j’aurois dû modérer mon emportement contre un homme qui m’a réellement servi. Dans la longue lettre que j’ai écrite le 10 Juillet à M. Hume j’ai pesé avec la plus grande équité les services qu’il m’a rendus. Il étoit digne de moi d’y faire partout pencher la balance en sa faveur, & c’est ce que j’ai fait. Mais quand tous ces grands services auroient eu autant de réalité que d’ostentation, s’ils n’ont été que des piéges qui couvroient les plus noirs desseins, je ne vois pas qu’ils exigent une grande reconnoissance.

Les liens de l’amitié sont respectables, même après qu’ils sont rompus ; cela est très-vrai ; mais- cela suppose que ces liens ont existé. Malheureusement ils ont existé de ma part. Aussi le parti que j’ai pris de gémir tout bas & de me taire, est-il l’effet du respect que je me dois.

Et les seules apparences de ce sentiment le sont aussi. Voilà, Madame, la plus étonnante maxime dont j’aie jamais entendu parler. Comment ? sitôt qu’un homme prend en public le masque de l’amitié pour me nuire plus à son aise, sans même daigner se cacher de moi ; sitôt qu’il me baise en m’assassinant, je dois n’oser plus me défendre, ni parer ses coups, ni m’en plaindre, pas même à lui !...... Je ne puis