Nous avons ici des échecs ; ainsi n’en apportez pas. Mais si vous voulez apporter quelques volans, vous serez bien, car les miens sont gâtés, ou ne valent rien. Je suis bien aise que vous vous renforciez assez aux échecs pour me donner du plaisir à vous battre. Voilà tout ce que vous pouvez espérer. Car, à moins que vous ne receviez avantage, mon pauvre ami, vous serez battu ; & toujours battu. Je me souviens qu’ayant l’honneur de jouer, il y a six ou sept ans, avec M. le prince de Conti, je lui gagnai trois parties de suite, tandis que tout son cortége me faisoit des grimaces de possédés. En quittant le jeu, je lui dis gravement : Monseigneur, je respecte trop votre Altesse pour ne pas toujours gagner. Mon ami, vous serez battu, & bien battu. Je ne serois pas même fâché que cela vous dégoûtât des échecs, car je n’aime pas que vous preniez du goût pour des amusemens si fatigans & si sédentaires.
À propos de cela, parlons de votre régime. Il est bon pour un convalescent, mais très-mauvais à prendre à votre âge, pour quelqu’un qui doit agir & marcher beaucoup. Ce régime vous affoiblira, & vous ôtera le goût de l’exercice. Ne vous jetez point comme cela, je vous conjure, dans les extrêmes systématiques ; ce n’est pas ainsi que la nature se mène : croyez-moi, prenez - moi pour le médecin de votre corps, comme je vous prends pour le médecin de mon aine : nous nous en trouverons bien tous deux. Je vous préviens même qu’il me seroit impossible de vous tenir ici aux légumes, attendu qu’il y a ici un grand potager d’où je ne saurois avoir un poil d’herbe, parce que son Altesse a ordonné