Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/369

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je vous aurois écrite à Paris, vous y pût trouver encore ; & il étoit naturel que j’attendisse pour vous écrire à Neuchâtel, de vous y savoir arrivé ; la neige ou d’autres accidens dans cette saison, pouvant vous arrêter en route. Ma santé du reste est à-peu-près comme quand vous m’avez quitté ; je garde mes tisons ; l’indolence & l’abattement me gagnent : je ne suis sorti que trois fois depuis votre départ, & je suis rentré presqu’aussitôt. Je n’ai plus de cœur à rien, pas même aux plantes. M***. plus noir de cœur que de barbe, abusant de l’éloignement & des distractions de son maître, ne cesse de me tourmenter, & veut absolument m’expulser d’ici ; tout cela ne rend pas ma vie agréable ; & quand elle cesseroit d’être orageuse, n’y voyant plus même un seul objet de désir pour mon cœur, j’en trouverois toujours le reste insipide.

Mlle. Renou qui n’attendoit pas moins impatiemment que moi des nouvelles de votre arrivée, l’a apprise avec la plus grande joie, que votre bon souvenir augmente encore. Pas un de nos déjeûnés ne se passe sans parler de vous ; & j’en ai un renseignement mémorial toujours présent dans le pot-de-chambre qui vous servoit de tasse, & dont j’ai pris la liberté d’hériter.

J’ai reçu votre vin dont je vous remercie, mais que vous avez eu tort d’envoyer. Il est agréable à boire, mais pour naturel, je n’en crois rien. Quoiqu’il en soit, il arrivera de cette affaire comme de beaucoup d’autres, que l’un fait la faute & que l’autre la boit.

Rendez, je vous prie, mes salutations & amitiés à tous