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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/392

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m’a fait naître : car voyant qu’on ne vouloit pas me laisser herboriser en repos, j’ai voulu quitter les plantes ; mais j’ai vu que je ne pouvois plus m’en passer, c’est une distraction qui m’est nécessaire absolument ; c’est un engouement d’enfant, mais qui me durera toute ma vie.

Je voudrois, Monsieur, trouver quelque moyen d’aller la finir dans les Isles de l’Archipel, dans celle de Chipre, ou dans quelque autre coin de la Grèce, il ne m’importe où, pourvu que je trouve un beau climat, fertile en végétaux, & que la charité chrétienne ne dispose plus de moi. J’ai dans l’esprit que la barbarie Turque me sera moins cruelle. Malheureusement, pour y aller, pour y vivre avec ma femme, j’ai besoin d’aide & de protection. Je ne saurois subsister là-bas sans ressource ; & sans quelque faveur de la Porte, ou quelque recommandation du moins pour quelqu’un des consuls qui résident dans le pays, mon établissement y seroit totalement impossible. Comme je ne serois pas sans espoir d’y rendre mon séjour de quelque utilité au progrès de l’histoire naturelle & de là botanique, je croirois pouvoir à ce titre obtenir quelque assistance des souverains qui se sont honneur de le favoriser. Je ne suis pas un Tournefort, ni un Jussieu, mais aussi je ne serois pas ce travail en passant, plein d’autres vues, & par tâche ; je m’y livrèrois tout entier, uniquement par plaisir, & jusqu’à la mort. Le goût, l’assiduité, la constance peuvent suppléer à beau-coup de connoissances, & même les donner à la fin. Si j’avois encore ma pension du Roi d’Angleterre, elle me suffiroit, & je ne demanderois rien, sinon qu’on favorisât mon