Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/48

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& d’assigner les causes en disant les faits. Ces causes primitives sont toutes marquées dans les trois précédens livres ; tous les intérêts relatifs à moi, tous les motifs secrets y sont exposés. Mais dire en quoi ces diverses causes se combinent pour opérer les étranges événemens de ma vie : voilà ce qu’il m’est impossible d’expliquer, même par conjecture. Si parmi mes lecteurs il s’en trouve d’assez généreux pour vouloir approfondir ces mystères, & découvrir la vérité, qu’ils relisent avec soin les trois précédens livres ; qu’ensuite à chaque fait qu’ils liront dans les suivans ils prennent les informations qui seront à leur portée, qu’ils remontent d’intrigue en intrigue, & d’agent en agent jusqu’aux premiers moteurs de tout, je sais certainement à quel terme aboutiront leurs recherches ; mais je me perds dans la route obscure, & tortueuse des souterrains qui les y conduiront.

Durant mon séjour à Yverdon, j’y fis connoissance avec toute la famille de M. Roguin, & entr’autres avec sa nièce Mde. Boy de la Tour, & ses filles, dont, comme je crois l’avoir dit, j’avois autrefois connu le pere à Lyon. Elle étoit venue à Yverdon voir son oncle, & ses sœurs ; sa fille aînée, âgée d’environ quinze ans, m’enchanta par son grand sens, & son excellent caractère. Je m’attachai de l’amitié la plus tendre à la mere, & à la fille. Cette dernière étoit destinée par M. Roguin au colonel son neveu, déjà d’un certain âge, & qui me témoignoit aussi la plus grande affection ; mais, quoique l’oncle fût passionné pour ce mariage, que le neveu le désirât fort aussi, & que je prisse un intérêt très-vif à la satisfaction de l’un & de l’autre, la grande