Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/183

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si je n’osois les verser dans le tien ? N’es-tu pas mon tendre consolateur ? N’est-ce pas toi qui soutiens mon courage ébranlé ? N’est-ce pas toi qui nourris dans mon ame le goût de la vertu, même après que je l’ai perdue ? Sans toi, sans cette adorable amie dont la main compatissante essuya si souvent mes pleurs, combien de fois n’eussé-je pas déjà succombé sous le plus mortel abattement ! Mais vos tendres soins me soutiennent ; je n’ose m’avilir tant que vous m’estimez encore, & je me dis avec complaisance que vous ne m’aimeriez pas tant l’un & l’autre, si je n’étois digne que de mépris. Je vole dans les bras de cette chére cousine, ou plutôt de cette tendre sœur, déposer au fond de son cœur une importune tristesse. Toi, viens ce soir achever de rendre au mien la joie & la sérénité qu’il a perdues.

LETTRE XXXVIII. À JULIE.

Non, Julie, il ne m’est pas possible de ne te voir chaque jour que comme je t’ai vue la veille ; il faut que mon amour s’augmente & croisse incessamment avec tes charmes, & tu m’es une source inépuisable de sentimens nouveaux que je n’aurois pas même imaginés. Quelle soirée inconcevable ! Que de délices inconnues tu fis éprouver à mon cœur ! Ô tristesse enchanteresse ! Ô langueur d’une ame attendrie !