Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/260

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amie de mon cœur ! vivons pour nous aimer, & que le Ciel dispose du reste.

P.S. J’oubliois de te dire que Milord m’a remis ta lettre, & que je n’ai point fait difficulté de la recevoir, ne jugeant pas qu’un pareil dépôt doive rester entre les moins d’un tiers. Je te la rendrai à notre premiere entrevue ; car quant à moi, je n’en ai plus à faire. Elle est trop bien écrite au fond de mon cœur pour que jamais j’aie besoin de la relire.

LETTRE LXI. DE JULIE.

Amene demain Milord Edouard, que je me jette à ses pieds comme il s’est mis aux tiens. Quelle grandeur ! quelle générosité ! Ô que nous sommes petits devant lui ! Conserve ce précieux ami comme la prunelle de ton œil. Peut-être vaudroit-il moins s’il étoit plus tempérant ; jamais homme sans défauts eut-il de grandes vertus ?

Mille angoisses de toutes especes m’avoient jettée dans l’abattement ; ta lettre est venue ranimer mon courage éteint. En dissipant mes terreurs elle m’a rendu mes peines plus supportables. Je me sens maintenant assez de force pour souffrir. Tu vis, tu m’aimes, ton sang, le sang de ton ami n’ont point été répandus & ton honneur est en sûreté : je ne suis donc pas tout-à-fait misérable.