Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/461

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avant que vous eussiez le tems de vous reconnoître. Maintenant je ne puis vous cacher, mon ami, combien votre prompte & sincere confession m’a touchée ; car je sens combien vous a coûté la honte de cet aveu, & par conséquent combien celle de votre faute vous pesoit sur le cœur. Une erreur involontaire se pardonne & s’oublie aisément. Quant à l’avenir, retenez bien cette maxime dont je ne me départirai point. Qui peut s’abuser deux fois en pareil cas, ne s’est pas même abusé la premiere.

Adieu, mon ami ; veille avec soin sur ta santé, je t’en conjure, & songe qu’il ne doit rester aucune trace d’un crime que j’ai pardonné.

P.S. Je viens de voir entre les mains de M. d’Orbe des copies de plusieurs de vos lettres à Milord Edouard, qui m’obligent à rétracter une partie de mes censures sur les matieres & le style de vos observations. Celles-ci traitent, j’en conviens, de sujets importans & me paroissent pleines de réflexions graves & judicieuses. Mais en revanche, il est clair que vous nous dédaignez beaucoup, ma cousine & moi, ou que vous faites bien peu de cas de notre estime, en ne nous envoyant que des relations si propres à l’altérer, tandis que vous en faites pour votre ami de beaucoup meilleurs. C’est ce me semble assez mal honorer vos leçons que de juger vos écolieres indignes d’admirer vos talens ; & vous devriez feindre, au moins par vanité, de nous croire capables de vous entendre.