Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/542

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pas à autrui ! comme si ce n’étoit pas assez, pour abhorrer le crime, du mal qu’il fait à ceux qui le commettent ! Quoi donc ! ce n’est pas un mal de manquer de foi, d’anéantir autant qu’il est en soi la force du serment, & des contrats les plus inviolables ? Ce n’est pas un mal de se forcer soi-même à devenir fourbe, & menteur ? Ce n’est pas un mal deformer des liens qui vous font désirer le mal, & la mort d’autrui, la mort de celui même qu’on doit le plus aimer, & avec qui l’on a juré de vivre ? Ce n’est pas un mal qu’un état dont mille autre crimes sont toujours le fruit ? Un bien qui produiroit tant de maux seroit par cela seul un mal lui-même.

L’un des deux penseroit-il être innocent, parce qu’il est libre peut-être de son côté, & ne manque de foi à personne ? Il se trompe grossierement. Ce n’est pas seulement l’intérêt des époux, mais la cause commune de tous les hommes, que la pureté du mariage ne soit point altérée. Chaque fois que deux époux s’unissent par un nœud solennel, il intervient un engagement tacite de tout le genre humain de respecter ce lien sacré, d’honorer en eux l’union conjugale ; & c’est, ce me semble, une raison tres forte contre les mariages clandestins, qui, n’offrant nul signe de cette union, exposent des cœurs innocens à brûler d’une flamme adultere. Le public est en quelque sorte garant d’une convention passée en sa présence, & l’on peut dire que l’honneur d’une femme pudique est sous la protection spéciale de tous les gens de bien. Ainsi, quiconque ose la corrompre peche, premierement parce qu’il la fait pécher, & qu’on partage toujours les crimes qu’on fait commettre ;