Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/107

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C’est une grande erreur, dans l’économie domestique ainsi que dans la civile, de vouloir combattre un vice par un autre, ou former entre eux une sorte d’équilibre : comme si ce qui sape les fondemens de l’ordre pouvoit jamais servir à l’établir ! On ne fait par cette mauvaise police que réunir enfin tous les inconvénients. Les vices tolérés dans une maison n’y regnent pas seuls ; laissez-en germer un, mille viendront à sa suite. Bientôt ils perdent les valets qui les ont, ruinent le maître qui les souffre, corrompent ou scandalisent les enfans attentifs à les observer. Quel indigne pere oseroit mettre quelque avantage en balance avec ce dernier mal ? Quel honnête homme voudroit être chef de famille, s’il lui étoit impossible de réunir dans sa maison la paix & la fidélité & qu’il fallût acheter le zele de ses domestiques aux dépens de leur bienveillance mutuelle ?

Qui n’auroit vu que cette maison n’imagineroit pas même qu’une pareille difficulté pût exister, tant l’union des membres y paroit venir de leur attachement aux chefs. C’est ici qu’on trouve le sensible exemple qu’on ne sauroit aimer sincerement le maître sans aimer tout ce qui lui appartient : vérité qui sert de fondement à la charité chrétienne. N’est-il pas bien simple que les enfans du même pere se traitent de freres entre eux ? C’est ce qu’on nous dit tous les jours au Temple