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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/114

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les donne, quels soins importent plus au pere de famille que l’économie domestique & le bon régime de sa maison, où les rapports les plus parfaits vont le plus directement à lui & où le bien de chaque membre ajoute alors à celui du chef ?

Les plus riches sont-ils les plus heureux ? Que sert donc l’opulence à la félicité ? Mais toute maison bien ordonnée est l’image de l’ame du maître. Les lambris dorés, le luxe & la magnificence n’annoncent que la vanité de celui qui les étale ; au lieu que partout où vous verrez régner la regle sans tristesse, la paix sans esclavage, l’abondance sans profusion, dites avec confiance : C’est un être heureux qui commande ici.

Pour moi je pense que le signe le plus assuré du vrai contentement d’esprit est la vie retirée & domestique & que ceux qui vont sans cesse chercher leur bonheur chez autrui ne l’ont point chez eux-mêmes. Un pere de famille qui se plaît dans sa maison a pour prix des soins continuels qu’il s’y donne la continuelle jouissance des plus doux sentimens de la nature. Seul entre tous les mortels, il est maître de sa propre félicité, parce qu’il est heureux comme Dieu même, sans rien desirer de plus que ce dont il jouit. Comme cet être immense, il ne songe pas à amplifier ses possessions, mais à les rendre véritablement siennes par les relations les plus parfaites & la direction la mieux entendue : s’il ne s’enrichit pas par de nouvelles acquisitions, il s’enrichit en possédant mieux ce qu’il a. Il ne jouissoit que du revenu de ses terres ; il jouit encore de ses terres mêmes en présidant à leur culture & les parcourant sans cesse. Son domestique lui étoit étranger ; il en fait son