Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/117

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différente de celle qu’ils veulent donner aux autres, ils n’ont pas besoin de circonspection dans leurs propos ; un mot étourdiment échappé ne renverse point les principes qu’ils se sont efforcés d’établir. Ils ne disent point indiscretement toutes leurs affaires, mais ils disent librement toutes leurs maximes. À table, à la promenade, tête à tête, ou devant tout le monde, on tient toujours le même langage ; on dit naÏvement ce qu’on pense sur chaque chose ; & sans qu’on songe à personne, chacun y trouve toujours quelque instruction. Comme les domestiques ne voyent jamais rien faire à leur maître qui ne soit droit, juste, équitable, ils ne regardent point la justice comme le tribut du pauvre, comme le joug du malheureux, comme une des miseres de leur état. L’attention qu’on a de ne pas faire courir en vain les ouvriers & perdre des journées pour venir solliciter le payement de leurs journées, les accoutume à sentir le prix du tems. En voyant le soin des maîtres à ménager celui d’autrui, chacun en conclut que le sien leur est précieux & se fait un plus grand crime de l’oisiveté. La confiance qu’on a dans leur intégrité donne à leurs institutions une force qui les fait valoir & prévient les abus. On n’a pas peur que, dans la gratification de chaque semaine, la maîtresse trouve toujours que c’est le plus jeune ou le mieux fait qui a été le plus diligent. Un ancien domestique ne craint pas qu’on lui cherche quelque chicane pour épargner l’augmentation de gages qu’on lui donne. On n’espere pas profiter de leur discorde pour se faire valoir & obtenir de l’un ce qu’aura refusé l’autre. Ceux qui sont à marier ne