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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/119

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grand intérêt. Mais ce mot n’est guere à sa place en cette occasion ; car je n’ai jamais vu de police où l’intérêt fût si sagement dirigé & où pourtant il influât moins que dans celle-ci. Tout se fait par attachement : l’on diroit que ces ames vénales se purifient en entrant dans ce séjour de sagesse & d’union. L’on diroit qu’une partie des lumieres du maître & des sentimens de la maîtresse ont passé dans chacun de leurs gens : tant on les trouve judicieux, bienfaisants, honnêtes & supérieurs à leur état ! Se faire estimer, considérer, bien vouloir, est leur plus grand ambition & ils comptent les mots obligeans qu’on leur dit, comme ailleurs les étrennes qu’on leur donne.

Voilà, milord, mes principales observations sur la partie de l’économie de cette maison qui regarde les domestiques & mercenaires. Quant à la maniere de vivre des maîtres & au gouvernement des enfans, chacun de ces articles mérite bien une lettre à part. Vous savez à quelle intention j’ai commencé ces remarques ; mais en vérité tout cela forme un tableau si ravissant, qu’il ne faut, pour aimer à le contempler, d’autre intérêt que le plaisir qu’on y trouve.