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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/120

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LETTRE XI. DE SAINT PREUX À MILORD EDOUARD.

Non, milord, je ne m’en dédis point : on ne voit rien dans cette maison qui n’associe l’agréable à l’utile ; mais les occupations utiles ne se bornent pas aux soins qui donnent du profit, elles comprennent encore tout amusement innocent & simple qui nourrit le goût de la retraite, du travail, de la modération & conserve à celui qui s’y livre une ame saine, un cœur libre du trouble des passions. Si l’indolente oisiveté n’engendre que la tristesse & l’ennui, le charme des doux loisirs est le fruit d’une vie laborieuse. On ne travaille que pour jouir : cette alternative de peine & de jouissance est notre véritable vocation. Le repos qui sert de délassement aux travaux passés & d’encouragement à d’autres n’est pas moins nécessaire à l’homme que le travail même.

Après avoir admiré l’effet de la vigilance & des soins de la plus respectable mere de famille dans l’ordre de sa maison, j’ai vu celui de ses récréations dan un lieu retiré dont elle fait sa promenade favorite & qu’elle appelle son Elysée.

Il y avoit plusieurs jours que j’entendois parler de cet Elysée dont on me faisoit une espece de mystere. Enfin, hier après dîner, l’extrême chaleur rendant le dehors & le dedans de la maison presque également insupportables, M. de Wolmar proposa à sa femme de se donner congé, cet apres-midi & au lieu de se retirer comme à l’ordinaire dans la chambre