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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/145

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car la jouissance de la vertu est tout intérieure & ne s’aperçoit que par celui qui la sent ; mais tous les avantages du vice frappent les yeux d’autrui & il n’y a que celui qui les a qui sache ce qu’ils lui coûtent.

Se a ciascun l’interno affanno
Si leggesse in fronte scritto,
Quanti mai, che invidia fanno,
Ci farebbero pietà ! [1]
Si vedria che I lor nemici
Anno in seno, e si riduce
Nel parere a noi felici
Ogni lor felicità. [2]

Comme il se faisoit tard sans que j’y songeasse, M. de Wolmar est venu me joindre & m’avertir que Julie & le thé m’attendaient. C’est vous, leur ai-je dit en m’excusant, qui m’empêchiez d’être avec vous : je fus si charmé de ma soirée d’hier que j’en suis retourné jouir ce matin ; & puisque vous m’avez attendu, ma matinée n’est pas perdue.C’est fort bien dit, a répondu Madame de Wolmar ; il vaudroit mieux s’attendre jusqu’à midi que de perdre le plaisir de déjeuner ensemble. Les étrangers ne sont jamais admis le matin dans ma chambre & déjeunent dans la leur. Le déjeuner est le repas des amis ; les valets

  1. Ô si les tourmens secrets qui rongent les cœurs se lisoient sur les visages, combien de gens qui sont envie seroient pitié.
  2. On verroit que l’ennemi qui les dévore est caché dans leur propre sein & que tout leur prétendu bonheur se réduit à paroitre heureux.