Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/168

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tentations déshonorantes qui n’approcherent jamais d’une ame honnête, qu’il est même honteux de les vaincre & que se précautionner contre elles est moins s’humilier que s’avilir ?

Je ne prétends pas te donner mes raisons pour invincibles, mais te montrer seulement qu’il y en a qui combattent les tiennes ; & cela suffit pour autoriser mon avis. Ne t’en rapporte ni à toi qui ne sais pas te rendre justice, ni à moi qui dans tes défauts n’ai jamais su voir que ton cœur & t’ai toujours adorée, mais à ton mari, qui te voit telle que tu es & te juge exactement selon ton mérite. Prompte comme tous les gens sensibles à mal juger de ceux qui ne le sont pas, je me défiois de sa pénétration dans les secrets des cœurs tendres ; mais, depuis l’arrivée de notre voyageur, je vois par ce qu’il m’écrit qu’il lit tres bien dans les vôtres & que pas un des mouvemens qui s’y passent n’échappe à ses observations. Je les trouve même si fines & si justes, que j’ai rebroussé presque à l’autre extrémité de mon premier sentiment & je croirois volontiers que les hommes froids, qui consultent plus leurs yeux que leur cœur, jugent mieux des passions d’autrui que les gens turbulents & vifs ou vains comme moi, qui commencent toujours par se mettre à la place des autres & ne savent jamais voir que ce qu’ils sentent. Quoi qu’il en soit, M. de Wolmar te connaît bien ; il t’estime, il t’aime & son sort est lié au tien : que lui manque-t-il pour que tu lui laisses l’entiere direction de ta conduite sur laquelle tu crains de t’abuser ? Peut-être, sentant approcher la vieillesse, veut-il par des épreuves proprès à le