Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/169

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rassurer prévenir les inquiétudes jalouses qu’une jeune femme inspire ordinairement à un vieux mari ; peut-être le dessein qu’il a demande-t-il que tu puisses vivre familierement avec ton ami sans alarmer ni ton époux ni toi-même ; peut-être veut-il seulement te donner un témoignage de confiance & d’estime digne de celle qu’il a pour toi. Il ne faut jamais se refuser à de pareils sentiments, comme si l’on n’en pouvoit soutenir le poids ; & pour moi, je pense en un mot que tu ne peux mieux satisfaire à la prudence & à la modestie qu’en te rapportant de tout à sa tendresse & à ses lumieres.

Veux-tu, sans désobliger M. de Wolmar, te punir d’un orgueil que tu n’eus jamais & prévenir un danger qui n’existe plus ? Restée seule avec le philosophe, prends contre lui toutes les précautions superflues qui t’auroient été jadis si nécessaires ; impose-toi la même réserve que si avec ta vertu tu pouvois te défier encore de ton cœur & du sien. Evite les conversations trop affectueuses, les tendres souvenirs du passé ; interromps ou préviens les trop longs tête-à-tête ; entoure-toi sans cesse de tes enfans ; reste peu seule avec lui dans la chambre, dans l’Elysée, dans le bosquet, malgré la profanation. sur-tout prends ces mesures d’une maniere si naturelle qu’elles semblent un effet du hasard & qu’il ne puisse imaginer un moment que tu le redoutes. Tu aimes les promenades en bateau ; tu t’en prives pour ton mari qui craint l’eau, pour tes enfans que tu n’y veux pas exposer : prends le tems de cette absence pour te donner cet amusement en laissant tes enfans sous la garde de la Fanchon.