Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/188

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suis, lui dis-je, accoutumé des l’enfance aux exercices pénibles ; loin de nuire à ma santé ils l’affermissent & mon dernier voyage m’a rendu bien plus robuste encore. À l’égard du soleil & du vent, vous avez votre chapeau de paille ; nous gagnerons des abris & des bois ; il n’est question que de monter entre quelques rochers ; & vous qui n’aimez pas la plaine en supporterez volontiers la fatigue. Elle fit ce que je voulais & nous partîmes pendant le dîner de nos gens.

Vous savez qu’après mon exil du Valais je revins il y a dix ans à Meillerie attendre la permission de mon retour. C’est là que je passai des jours si tristes & si délicieux, uniquement occupé d’elle & c’est de là que je lui écrivis une lettre dont elle fut si touchée. J’avois toujours désiré de revoir la retraite isolée qui me servit d’asile au milieu des glaces & où mon cœur se plaisoit à converser en lui-même avec ce qu’il eut de plus cher au monde. L’occasion de visiter ce lieu si chéri dans une saison plus agréable & avec celle dont l’image l’habitoit jadis avec moi, fut le motif secret de ma promenade. Je me faisois un plaisir de lui montrer d’anciens monumens d’une passion si constante & si malheureuse.

Nous y parvînmes après une heure de marche par des sentiers tortueux & frais, qui, montant insensiblement entre les arbres & les rochers, n’avoient rien de plus incommode que la longueur du chemin. En approchant & reconnaissant mes anciens renseignements, je fus prêt à me trouver mal ; mais je me surmontai, je cachai mon trouble & nous