Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/264

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leurs services, il les reçoit avec une sorte d’humiliation, comme un témoignage de sa foiblesse & il aspire ardemment au tems où il sera assez grand & assez fort pour avoir l’honneur de se servir lui-même.

Ces idées, ai-je dit, seroient difficiles à établir dans des maisons où le pere & la mere se font servir comme des enfans ; mais dans celle-ci, où chacun, à commencer par vous, a ses fonctions à remplir & où le rapport des valets aux maîtres n’est qu’un échange perpétuel de services & de soins, je ne crois pas cet établissement impossible. Cependant il me reste à concevoir comment des enfans accoutumés à voir prévenir leurs besoins n’étendent pas ce droit à leurs fantaisies, ou comment ils ne souffrent pas quelquefois de l’humeur d’un domestique qui traitera de fantaisie un véritable besoin.

Mon ami, a repris Mde. de Wolmar, une mere peu éclairée se fait des monstres de tout. Les vrais besoins sont très bornés dans les enfans comme dans les hommes & l’on doit plus regarder à la durée du bien-être qu’au bien-être d’un seul moment. Pensez-vous qu’un enfant qui n’est point gêné puisse assez souffrir de l’humeur de sa gouvernante, sous les yeux d’une mere, pour en être incommodé ? Vous supposez des inconvéniens qui naissent de vices déjà contractés, sans songer que tous mes soins ont été d’empêcher ces vices de naître. Naturellement les femmes aiment les enfans. La mésintelligence ne s’éleve entre eux que quand l’un veut assujettir l’autre à ses caprices. Or cela ne peut arriver ici, ni sur l’enfant dont on n’exige rien, ni sur la gouvernante à