Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/405

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ces mêmes réflexions revinrent & d’autres encore, qu’il importe de vous communiquer tandis qu’il est tems de le faire.

Ce n’est point de moi qu’il est question, c’est de vous : je me crois plus en droit de vous donner des conseils depuis qu’ils sont tout-à-fait désintéressés & que, n’ayant plus ma sûreté pour objet, ils ne se rapportent qu’à vous-même. Ma tendre amitié ne vous est pas suspecte & je n’ai que trop acquis de lumieres pour faire écouter mes avis.

Permettez-moi de vous offrir le tableau de l’état où vous allez être, afin que vous examiniez vous-même s’il n’a rien qui doive vous effrayer. Ô bon jeune homme ! si vous aimez la vertu, écoutez d’une oreille chaste les conseils de votre amie. Elle commence en tremblant un discours qu’elle voudroit taire ; mais comment le taire sans vous trahir ? Sera-t-il tems de voir les objets que vous devez craindre, quand ils vous auront égaré ? Non, mon ami ; je suis la seule personne au monde assez familiere avec vous pour vous les présenter. N’ai-je pas le droit de vous parler, au besoin, comme une sœur, comme une mere ? Ah ! si les leçons d’un cœur honnête étoient capables de souiller le vôtre, il y a long-tems que je n’en aurais plus à vous donner.

Votre carriere, dites-vous, est finie. Mais convenez qu’elle est finie avant l’âge. L’amour est éteint ; les sens lui survivent & leur délire est d’autant plus à craindre que, le seul sentiment qui le bornoit n’existant plus, tout est occasion