Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/42

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Venez donc, mon aimable ami, dans la sécurité d’un cœur honnête, satisfaire l’empressement que nous avons tous de vous embrasser & de vous voir paisible & content ; venez dans votre pays & parmi vos amis vous délasser de vos voyages & oublier tous les maux que vous avez soufferts. La derniere fois que vous me vîtes, j’étois une grave matrone & mon amie étoit à l’extrémité ; mais à présent qu’elle se porte bien & que je suis redevenue fille, me voilà tout aussi folle & presque aussi jolie qu’avant mon mariage. Ce qu’il y a du moins de bien sûr, c’est que je n’ai point changé pour vous & que vous feriez bien des fois le tour du monde avant d’y trouver quelqu’un qui vous aimât comme moi.

LETTRE VI. DE SAINT PREUX À MILORD EDOUARD.

Je me leve au milieu de la nuit pour vous écrire. Je ne saurois trouver un moment de repos. Mon cœur agité, transporté, ne peut se contenir au dedans de moi ; il a besoin de s’épancher. Vous qui l’avez si souvent garanti du désespoir, soyez le cher dépositaire des premiers plaisirs qu’il ait goûtés depuis si longtemps.

Je l’ai vue, milord ! mes yeux l’ont vue ! J’ai entendu sa voix ; ses mains ont touché les miennes ; elle m’a reconnu ; elle a marqué de la joie à me voir ; elle m’a appelé