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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/431

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l’ai été ; je n’aurai pas de plus grands combats à rendre ; j’ai senti l’amertume des remords ; j’ai goûté les douceurs de la victoire. Après de telles comparaisons on n’hésite plus sur le choix ; tout, jusqu’à mes fautes passées ; m’est garant de l’avenir.

Sans vouloir entrer avec vous dans de nouvelles discussions sur l’ordre de l’univers & sur la direction des êtres qui le composent, je me contenterai de vous dire que, sur des questions si fort au-dessus de l’homme, il ne peut juger des choses qu’il ne voit pas, que par induction sur celles qu’il voit & que toutes les analogies sont pour ces loix générales que vous semblez rejeter. La raison même & les plus saines idées que nous pouvons nous former de l’Etre suprême, sont tres favorables à cette opinion ; car bien que sa puissance n’ait pas besoin de méthode pour abréger le travail, il est digne de sa sagesse de préférer pourtant les voies les plus simples, afin qu’il n’y ait rien d’inutile dans les moyens non plus que dans les effets. En créant l’homme, il l’a doué de toutes les facultés nécessaires pour accomplir ce qu’il exigeoit de lui ; & quand nous lui demandons le pouvoir de bien faire, nous ne lui demandons rien qu’il ne nous ait déjà donné. Il nous a donné la raison pour connoître ce qui est bien, la conscience pour l’aimer [1], & la liberté pour le choisir. C’est dans ces dons sublimes que consiste la grace divine ; & comme nous les avons tous reçus, nous en sommes tous comptables.

  1. St. Preux fait de la conscience morale un sentiment & non pas un jugement, ce qui est contre les définitions des Philosophes. Je crois pourtant qu’en ceci leur prétendu confrere a raison.