Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/445

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enfans ; je le croirai mieux dans vos mains que dans les miennes : quand vous me le ramenerez, je ne sais duquel des deux le retour me touchera le plus. Si, tout-à-fait devenu raisonnable, vous bannissez enfin vos chimeres & voulez mériter ma cousine, venez, aimez-la, servez-la, achevez de lui plaire ; en vérité, je crois que vous avez déjà commencé ; triomphez de son cœur & des obstacles qu’il vous oppose, je vous aiderai de tout mon pouvoir. Faites enfin le bonheur l’un de l’autre & rien ne manquera plus au mien. Mais quelque parti que vous puissiez prendre, après y avoir sérieusement pensé, prenez-le en toute assurance & n’outragez plus votre amie en l’accusant de se défier de vous.

À force de songer à vous je m’oublie. Il faut pourtant que mon tour vienne ; car vous faites avec vos amis dans la dispute comme avec votre adversaire aux échecs, vous attaquez en vous défendant. Vous vous excusez d’être philosophe en m’accusant d’être dévote ; c’est comme si j’avois renoncé au vin lorsqu’il vous eut enivré. Je suis donc dévote à votre compte, ou prête à le devenir ? Soit : les dénominations méprisantes changent-elles la nature des choses ? Si la dévotion est bonne, où est le tort d’en avoir ? Mais peut-être ce mot est-il trop bas pour vous. La dignité philosophique dédaigne un culte vulgaire ; elle veut servir Dieu plus noblement ; elle porte jusqu’au Ciel même ses prétentions & sa fierté. Ô mes pauvres philosophes !… Revenons à moi.

J’aimai la vertu des mon enfance & cultivai ma raison