Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/459

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par plaisanterie. Au reste ; soyez discret ; car, comme elle ne veut pas que vous sachiez que tout cela vient d’elle, je me dépêche de vous l’écrire avant qu’elle me défende de vous en parler.

Adieu, mon ami. Cette partie du Château de Chillon [1], que nous devions tous faire ensemble, se fera demain sans vous. Elle n’en vaudra pas mieux, quoiqu’on la fasse avec plaisir. M. le bailli nous a invités avec nos enfans, ce qui ne m’a point laissé d’excuse. Mais je ne sais pourquoi je voudrois être déjà de retour.

  1. Le Château de Chillon, ancien séjour des Baillis de Vevai, est situé dans le lac sur un rocher qui forme une presqu’Isle & autour duquel j’ai vu sonder à plus de cent cinquante brasses qui font près de 800 pieds, sans trouver le fond. On a creusé dans ce rocher des caves & des cuisines au-dessous du niveau de l’eau, qu’on y introduit quand on veut par des robinets. C’est là que fut détenu six ans prisonnier François Bonnivard, Prieur de St. Victor, homme d’un mérite rare, d’une droiture & d’une fermeté à toute épreuve, ami de la liberté quoique Savoyard & tolérant quoique Prêtes. Au reste, l’année où ces dernieres lettres paroissent avoir été écrites, il y avoit tres-long-tems que les Baillis de Vevai n’habitoient plus le Château de Chillon. On supposera si l’on veut, que celui de ce tems-là y étoit allé passer quelques jours.