Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/60

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bien bonne d’entrer dans tous ces détails : tu ne mérites pas que j’aie tant de plaisir à m’entretenir avec toi : j’ai résolu de ne te plus rien dire ; & si tu veux en savoir davantage, viens l’apprendre.

P.S. Il faut pourtant que je te dise encore ce qui vient de se passer au sujet de cette lettre. Tu sais avec quelle indulgence M. de Wolmar reçut l’aveu tardif que ce retour imprévu me força de lui faire. Tu vis avec quelle douceur il sut essuyer mes pleurs & dissiper ma honte. Soit que je ne lui eusse rien appris, comme tu l’as assez raisonnablement conjecturé, soit qu’en effet il fût touché d’une démarche qui ne pouvoit être dictée que par le repentir, non seulement il a continué de vivre avec moi comme auparavant, mais il semble avoir redoublé de soins, de confiance, d’estime & vouloir me dédommager à force d’égards de la confusion que cet aveu m’a coûté. Ma cousine, tu connais mon cœur ; juge de l’impression qu’y fait une pareille conduite !

Sitôt que je le vis résolu à laisser venir notre ancien maître, je résolus de mon côté de prendre contre moi la meilleure précaution que je pusse employer ; ce fut de choisir mon mari même pour mon confident, de n’avoir aucun entretien particulier qui ne lui fût rapporté & de n’écrire aucune lettre qui ne lui fût montrée. Je m’imposai même d’écrire chaque lettre comme s’il ne la devoit point voir & de la lui montrer ensuite. Tu trouveras un article dans celle-ci qui m’est venu de cette maniere