Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/87

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ait demandé son congé. Il est même rare qu’on menace quelqu’’un de le lui donner. Cette menace effraye à proportion de ce que le service est agréable & doux ; les meilleurs sujets en sont toujours les plus alarmés & l’on n’a jamais besoin d’en venir à l’exécution qu’avec ceux qui sont peu regrettables. Il y a encore une regle à cela. Quand M. de Wolmar a dit : Je vous chasse, on peut implorer l’intercession de Madame, l’obtenir quelquefois & rentrer en grâce à sa priere ; mais un congé qu’elle donne est irrévocable & il n’y a plus de grâce à espérer. Cet accord est tres bien entendu pour tempérer à la fois l’exces de confiance qu’on pourroit prendre en la douceur de la femme & la crainte extrême que causeroit l’inflexibilité du mari. Ce mot ne laisse pas pourtant d’être extrêmement redouté de la part d’un maître équitable & sans colere ; car, outre qu’on n’est pas sûr d’obtenir grâce & qu’elle n’est jamais accordée deux fois au même, on perd par ce mot seul son droit d’ancienneté & l’on recommence, en rentrant, un nouveau service : ce qui prévient l’insolence des vieux domestiques & augmente leur circonspection à mesure qu’ils ont plus à perdre.

Les trois femmes sont la femme de chambre, la gouvernante des enfans & la cuisiniere. Celle-ci est une paysanne fort propre & fort entendue, à qui Madame de Wolmar a appris la cuisine ; car dans ce pays, simple encore [1], les jeunes personnes de tout état apprennent à faire elles-mêmes tous les travaux que feront un jour dans leur maison les

  1. Simple ! Il a donc beaucoup changé.