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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/186

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matiere. L’inhabitude de penser dans l’enfance en ôte la faculté durant le reste de la vie.

Il me semble que je pourrois aisément répondre à cela ; mais pourquoi toujours des réponses ? Si ma méthode répond d’elle-même aux objections, elle est bonne ; si elle n’y répond pas, elle ne vaut rien : je poursuis.

Si sur le plan que j’ai commencé de tracer, vous suivez des regles directement contraires à celles qui sont établies, si au lieu de porter au loin l’esprit de votre Éleve, si au lieu de l’égarer sans cesse en d’autres lieux, en d’autres climats, en d’autres siecles, aux extrémités de la terre & jusques dans les Cieux, vous vous appliquez à le tenir toujours en lui-même & attentif à ce qui le touche immédiatement ; alors vous le trouverez capable de perception, de mémoire, & même de raisonnement ; c’est l’ordre de la nature. À mesure que l’être sensitif devient actif, il acquiert un discernement proportionnel à ses forces ; & ce n’est qu’avec la force surabondante à celle dont il a besoin pour se conserver, que se développe en lui la faculté spéculative propre à employer cet excès de force à d’autres usages. Voulez-vous donc cultiver l’intelligence de votre Éleve, cultivez les forces qu’elle doit gouverner. Exercez continuellement son corps, rendez-le robuste & sain pour le rendre sage & raisonnable ; qu’il travaille, qu’il agisse, qu’il coure, qu’il crie, qu’il soit toujours en mouvement ; qu’il soit homme par la vigueur, & bientôt il le sera par la raison.

Vous l’abrutiriez, il est vrai, par cette méthode, si vous alliez toujours le dirigeant, toujours lui disant, va, viens,