Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/195

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’opiniâtreté, il continua son tintamarre avec un tel succès, qu’à la fin je m’échauffai ; &, pressentant que j’allais tout gâter par un emportement hors de propos, je pris mon parti d’une autre manière. Je me levai sans rien dire, j’allai au fusil que je ne trouvai point ; je le lui demande, il me le donne, pétillant de joie d’avoir enfin triomphé de moi. Je bats le fusil, j’allume la chandelle, je prends par la main mon petit bonhomme, je le mène tranquillement dans un cabinet voisin dont les volets étaient bien fermés, et où il n’y avoit rien à casser : je l’y laisse sans lumière ; puis, fermant sur lui la porte à la clef, je retourne me coucher sans lui avoir dit un seul mot. Il ne faut pas demander si d’abord il y eut du vacarme, je m’y étois attendu : je ne m’en émus point. Enfin le bruit s’apaise ; J’écoute, je l’entends s’arranger, je me tranquillise. Le lendemain, j’entre au jour dans le cabinet ; je trouve mon petit mutin couché sur un lit de repos, & dormant d’un profond sommeil, dont, après tant de fatigue, il devoit avoir grand besoin.

L’affaire ne finit pas là. La mère apprit que l’enfant avoit passé les deux tiers de la nuit hors de son lit. Aussitôt tout fut perdu, c’étoit un enfant autant que mort. Voyant l’occasion bonne pour se venger, il fit le malade, sans prévoir qu’il n’y gagneroit rien. Le médecin fut mêlé. Malheureusement pour la mère, ce médecin étoit un plaisant, qui, pour s’amuser de ses frayeurs, s’appliquoit à les augmenter. Cependant il me dit à l’oreille : Laissez-moi faire, je vous promets que l’enfant sera guéri pour quelque temps de la fantaisie d’être malade. En effet, la diète & la chambre furent