Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/226

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mais palpitant d’aise d’avoir prévenu le secours qui m’étoit destiné.

On me demandera si je donne ce trait pour un modèle à suivre, & pour un exemple de la gaieté que j’exige dans ces sortes d’exercices. Non ; mais je le donne pour preuve que rien n’est plus capable de rassurer quiconque est effrayé des ombres de a nuit, que d’entendre dans une chambre voisine une compagnie assemblée rire & causer tranquillement. Je voudrois qu’au lieu de s’amuser ainsi seul avec son élève, on rassemblât les soirs beaucoup d’enfants de bonne humeur ; qu’on ne les envoyât pas d’abord séparément, mais plusieurs ensemble, & qu’on n’en hasardât aucun parfaitement seul, qu’on ne se fût bien assuré d’avance qu’il n’en seroit pas trop effrayé,

Je n’imagine rien de si plaisant & de si utile que de pareils jeux, pour peu qu’on voulût user d’adresse à les ordonner. Je ferois dans une grande salle une espèce de labyrinthe avec des tables, des fauteuils, des chaises, des paravents. Dans les inextricables tortuosités de ce labyrinthe j’arrangerais, au milieu de huit ou dix boîtes s’attrapes, une autre boîte presque semblable, bien garnie de bonbons ; je désignerois en termes clairs, mais succincts, le lieu précis où se trouve la bonne boîte ; je donnerois le renseignement suffisant pour la distinguer à des gens plus attentifs & moins étourdis que des enfants [1] ; puis, après avoir fait tirer au sort les

  1. Pour les exercer à l’attention, ne leur dites jamais que des choses qu’ils aient un intérêt sensible & présent à bien entendre ; surtout point de longueurs, jamais un mot superflu ; mais aussi ne laissez dans vos discours ai obscurité ni équivoque.