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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/227

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petits concurrens, je les enverrois tous l’un après l’autre, jusqu’à ce que la bonne boîte fût trouvée ; ce que j’aurois soin de rendre difficile, à proportion de leur habileté.

Figurez-vous un petit Hercule arrivant une boîte à la main, tout fier de son expédition. La boîte se met sur la table, on l’ouvre en cérémonie. J’entends d’ici les éclats de rire, les huées de la bande joyeuse, quand, au lieu des confitures qu’on attendoit, on trouve bien proprement arrangés sur de la mousse ou sur du coton, un hanneton, un escargot, du charbon, du gland, un navet, ou quelque autre pareille denrée. D’autres fois, dans une piece nouvellement blanchie on suspendra près du mur, quelque jouet, quelque petit meuble qu’il s agira d’aller chercher, sans toucher au mur. À peine celui qui l’apportera sera-t-il rentré, que, pour peu qu’il ait manqué à la condition, le bout de son chapeau blanchi, le bout de ses souliers, la basque de son habit, sa manche trahiront sa mal-adresse. En voilà bien assez, trop peut-être, pour faire entendre l’esprit de ces sortes de jeux. S’il faut tout vous dire, ne me lisez point.

Quels avantages un homme ainsi élevé n’aura-t-il pas la nuit sur les autres hommes ? Ses pieds accoutumés à s’affermir dans les ténebres, ses mains exercées à s’appliquer aisément à tous les corps environnans, le conduiront sans peine dans la plus épaisse obscurité. Son imagination pleine des jeux nocturnes de sa jeunesse, se tournera difficilement sur des objets effrayants. S’il croit entendre des éclats de rire, au lieu de ceux des esprits follets, ce seront ceux de ses anciens camarades : s’il se peint une assemblée, ce ne sera